« La laïcité garantit la liberté de conscience. De celle-ci découle la liberté de manifester ses croyances ou convictions. La laïcité implique la neutralité de l'Etat et impose l'égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou conviction. »
Définition de la laïcité par Jean-Louis Bianco
La mairie d’Alfortville entend imposer aux associations subventionnées la signature d’une charte de la laïcité (cf Luc Carvounas, maire d'Alfortville lors d’un discours d’hommage à Samuel Paty). Le texte de cette charte a été présenté la semaine passée aux associations alfortvillaises.
Au collectif Alfortville Par Nous-Mêmes, nous pensons qu’obliger les associations à signer une charte de laïcité pour obtenir des subventions serait un manquement grave au respect des libertés associatives et surtout un non sens des principes de la loi de 1905 elle-même.
En France c’est l’Etat qui est laïc, les citoyen.ne.s n’ont pas de devoir de laïcité si ce n’est celui de contrôler le respect de la laïcité par l’Etat. L’article 1 de la loi de 1905 stipule que « la République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes ». C’est la sphère publique, à savoir élu.e.s et personnes dépositaires de l’autorité publique, agent.e.s publics, bâtiments publics, domaine public, services publics, collectivités qui est tenue de respecter une neutralité stricte et respectueuse. Les principes et les devoirs de laïcité ne peuvent donc s'appliquer aux associations.
Qu’est-ce que signifie pour une association de s’engager sur la laïcité ? Si cela consiste à un contrôle accru pour s’assurer que la collectivité respecte la laïcité : nous ne pouvons que y souscrire. Si cela signifie que les associations devraient faire preuve de neutralité : nous ne pouvons que dénoncer cette instrumentalisation du principe de liberté de conscience et d’expression.
Dans la charte proposée par la municipalité qui n’est qu’un copier-coller de la charte de Mme la Ministre Marlène Schiappa, plusieurs contre-sens nous semble mettre en danger la laïcité et les principes républicains.
Non, la laïcité ne contribue pas à l’égalité entre les femmes et les hommes, comme l’annonce l’article 1 de la charte. L’égalité entre les femmes et les hommes, égalité qui n’est toujours pas acquise, a été possible grâce à des lois bien plus tardives que la loi de 1905. S’il ne fallait citer qu’un seul exemple c’est le droit de vote des femmes obtenu seulement en 1945.
Non, la laïcité n’est pas le socle de la citoyenneté, comme cela est dit dans l’article 2. Le socle de la citoyenneté c’est la démocratie. Les valeurs partagées de la République sont Liberté, Egalité et Fraternité.
Non, les restrictions au port de signes ou tenues manifestant une appartenance religieuse ne sont pas possibles dans une association, comme le sous-entend l’article 7 de la charte.
C’est tordre l’Histoire que d’énoncer ces contre-vérités. Cela pourrait être juste amusant si cela ne relevait pas d’un suivisme de l’ambiance actuelle initiée par l’extrême droite, la droite et la majorité parlementaire à l’approche des élections présidentielles. Outre le fait que nous déplorons l’utilisation narcissique de l’assassinat d’un enseignant en exergue de la charte, plusieurs points de cette charte relèvent d’un gloubi-boulga idéologique qui rend incompréhensible la notion même de laïcité. Nous sommes convaincus qu’au delà de l’anecdote locale, ce projet de charte est dangereux parce qu'il sème la confusion.
La laïcité n’est pas une opinion, c’est la liberté d’en avoir une. La laïcité est un garde-fou pour préserver la liberté de conscience et d’expression des citoyen.ne.s face à l’Etat et à ses interventions. Les associations relèvent du droit privé, elles sont donc libres de conscience et d’expression.
Par Nous-Mêmes propose de remplacer cette charte par une charte des engagements réciproques entre la ville et les associations subventionnées. Cette charte vise mettre par écrit les droits et devoirs respectifs des associations et de la municipalité, en reprenant les principes de la loi de 1901 et en la complétant avec les différentes lois sur la non-discrimination ou encore avec des propositions du mouvement associatif, comme le pacte pour la transition, signé par l'ensemble des composantes de la municipalité. Cette proposition est largement inspirée du contrat d'engagements réciproques entre l'État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales de 2014.
La promotion de la laïcité est essentielle pour que celle-ci soit comprise et appliqué par nos services publiques. Si la municipalité souhaite promouvoir la Laïcité, elle peut commencer par faire des formations auprès des élu.e.s et des agent.e.s de la ville.
Si la municipalité souhaite impliquer les associations dans cette promotion de la laïcité, elle peut mettre en place un comité locale pour la vie associative permettant au milieu associatif alfortvillais d’être un réelle contre-pouvoir et d’assurer un contrôle des pratiques municipales. La municipalité peut également mettre en place des formations pour les associations sur la laïcité, mais également sur les valeurs républicaines, pour la lutte contre les discriminations ou encore pour la citoyenneté.
Si la municipalité souhaite que chaque citoyen.ne soit partie prenante de la laïcité, elle peut faire des formations grand public, donner des cadres de débats et permettre à chaque citoyen.ne qui verraient ces droits non respecter en raison de ses croyances ou de ses convictions de faire appel à des médiateurs.rices ou aux délégué.e.s de la Défenseure des Droits.
La laïcité n’est pas un gros mot ! C’est ce qui impose l’égalité des citoyen.ne.s face à l'administration et au service public, quelles que soient leurs convictions ou croyances. Nous devons toutes et tous défendre la laïcité et combattre toutes instrumentalisations ou dévotions qui pourraient mettre en péril son objectif premier : la liberté de conscience et d’expression et la séparation des églises et de l’État.
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