mercredi 2 juin 2021

Chartes : de la laïcité ou d'engagements réciproques...?


Suite à notre précédente publication expliquant notre position sur l'opportunité et la pertinence d'une charte de la laïcité, voici notre proposition d'une charte des engagements réciproques. Une charte entre une collectivité et les associations de sont territoires peut être intéressante pour renforcer les liens et permettre une totale transparence entre les signataires. Cette charte que nous proposons s'inspire de chartes proposées par différents collectif comme le Mouvement Associatif et elle est préconisée par le Pacte pour la transition (engagement 30 : Co-production d'une Charte des Engagements Réciproques,..).



I-PRÉAMBULE  

La commune d’Alfortville et les associations signataires de cette charte  s’engagent dans une démarche partenariale visant à mieux considérer la  vie associative dans la commune et à intensifier leur coopération au service de l’intérêt général. Cette charte, fondée sur les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, renforce les relations basées sur la confiance réciproque, le respect de l’indépendance des associations et la libre administration de la commune.

La commune d’Alfortville garante de l’intérêt général, écoute les associations et dialogue avec elle,  contribue au financement de leurs projets et leur confie la gestion de certains services, dans le cadre  des politiques publiques qu’elle conduit. L’optimisation de la dépense publique l’incite à rechercher  des partenariats qui assurent la meilleure utilisation de l’argent des contribuables, la proximité  avec les citoyen.nes et usagers et la lisibilité des responsabilités. 

Les règles de partenariat inscrites dans cette charte constituent des principes d’action partagés  entre les parties. Leur mise en œuvre permettra d’approfondir la vie démocratique et le dialogue  civil et social en vue d’une participation libre, active et accrue des femmes et des hommes aux  projets associatifs et aux politiques publiques dans des démarches co-construites.  

II - PRINCIPES PARTAGÉS 

 2.1. Les associations apportent en toute indépendance leur contribution à l’intérêt général par leur  caractère reconnu d’utilité civique et sociale. Elles fondent leur légitimité sur la participation libre,  active et bénévole des citoyen.nes à un projet commun, sur leur capacité à défendre les droits, à  révéler les aspirations et les besoins de ceux qui vivent dans notre ville en y apportant des réponses.  

2.2. Les signataires privilégient la conduite de projets dans la durée, dans la transparence des  engagements pris et mettent en œuvre une évaluation des contributions à l’intérêt général au regard  des moyens mobilisés.  

2.3. Bénévolat, volontariat, et démocratie, fondements de la vie associative 

Les signataires reconnaissent l’engagement libre et volontaire comme moteur de la vie associative.  Les signataires s’engagent conjointement :  

à promouvoir le respect des principes de non-discrimination des personnes dans  l’engagement associatif ;  

à favoriser des formes d’implication collectives ; à permettre à tous d’exercer leur  citoyenneté ;  

à promouvoir l’égale participation des femmes et des hommes à la gouvernance, l’équilibre  entre les générations, entre les milieux socioculturels, dans l’exercice des responsabilités.  

Dans cette perspective, il incombe aux instances associatives de veiller au respect du caractère

démocratique de leur fonctionnement.  

Il revient à la commune de veiller au respect de la valeur constitutionnelle de la liberté associative et  au respect des obligations légales auxquelles les associations sont soumises. 


III - ENGAGEMENTS DE LA COMMUNE D’ALFORTVILLE 


La confiance et la complémentarité des actions entre la commune d’Alfortville et les associations  permettent de nouvelles formes de vie démocratiques et une plus grande pertinence des politiques  publiques. 


Respectant l’indépendance des associations, en particulier leur fonction d’interpellation et la libre  conduite de leurs projets, et considérant les associations comme des partenaires à part entière des  politiques publiques, la commune s’engage à :  

3.1. Accorder son soutien aux associations signataires de manière transparente et dans le respect de  l’égalité de traitement des associations conformément à l’esprit de la loi du 9 décembre 1905 et en  respectant la loi de 1901 de liberté d'association. 

3.2. Mettre en place un Comité Local pour la Vie Associative, CLVA, composé de citoyens de  responsables d’association et d’élus , instance d’échanges et de travail pérenne chargée de  l’évaluation de la politique associative, apportant information, formation et conseil en partenariat  avec les acteurs associatifs  

3.3 Promouvoir et faciliter l’engagement bénévole civique et social de tous, sans distinction d’âge, de  sexe ou d’origine sociale par des mesures visant à favoriser la formation des bénévoles grâce au  CLVA.  

3.4. Sensibiliser et former les agents publics communaux à une meilleure connaissance de la vie  associative, à des approches partenariales des relations avec les associations et à l’évaluation des  politiques conduites et des conventions passées avec elles par l’intermédiaire du CLVA  

3.5. Mettre en œuvre, dans la durée, en toute transparence, différentes formes de soutien aux  associations, dont les subventions liées aux projets portées par les structures associatives, le prêt de  locaux adaptés et de matériel.  

3.6. Développer une politique publique d’attribution des subventions dont les critères de sélection,  les modalités d’attribution et de mise en œuvre sont transparents, en co-construction avec le CLVA  

3.7 Accompagner dans la durée les projets associatifs dans leurs recherches de partenaires auprès  d’autres institutions : intercommunalité, département, CAF …  

IV - ENGAGEMENTS DE L’ASSOCIATION 

 4.1. Respecter et faire respecter les règles de fonctionnement démocratique, de non-discrimination,  de parité et la gestion désintéressée conformes à l’esprit de la loi de 1901 par:  

l’expression et la participation de leurs adhérents et/ou de leurs publics à l’élaboration et à la  mise en œuvre de leurs projets ;  

l’accès de tous aux actions et aux responsabilités associatives ;  

le contrôle de l’activité et des mandats des responsables en garantissant l’accès à des  informations fiables et transparentes ;  

la limitation du cumul des mandats et leur renouvellement à travers des statuts adaptés, des  élections régulières et des modalités d’organisation spécifiques ; 


4.2. Mettre en œuvre une éthique du financement des activités associatives, dans le souci du  meilleur usage des financements publics, par la diversification des ressources associatives, la gestion  désintéressée et le non partage des excédents, la transparence financière vis-à-vis des adhérents, des donateurs et des pouvoirs publics et l’auto-contrôle de la gestion et de l’emploi des ressources.  


4.3. Poursuivre dans les associations la mise en œuvre de principes, méthodes et pratiques  d’évaluation et d’appréciation permettant de rendre compte de manière claire de l’utilisation de  l’argent public. Faciliter les procédures de contrôle  


4.4. Participer de façon constructive aux actions de consultation mises en place par la commune en  se positionnant comme force de proposition dans la définition et la mise en œuvre des politiques  publiques. 

mardi 1 juin 2021

La laïcité n’est pas un gros mot !



« 
La laïcité garantit la liberté de conscience. De celle-ci découle la liberté de manifester ses croyances ou convictions. La laïcité implique la neutralité de l'Etat et impose l'égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou conviction. »

Définition de la laïcité par Jean-Louis Bianco



Charte de la laïcité proposée par la municipalité d'Alfortville en mai 2021


La mairie d’Alfortville entend imposer aux associations subventionnées la signature d’une charte de la laïcité (cf Luc Carvounas, maire d'Alfortville lors d’un discours d’hommage à Samuel Paty). Le texte de cette charte a été présenté la semaine passée aux associations alfortvillaises. 


Au collectif Alfortville Par Nous-Mêmes, nous pensons qu’obliger les associations à signer une charte de laïcité pour obtenir des subventions serait un manquement grave au respect des libertés associatives et surtout un non sens des principes de la loi de 1905 elle-même.


En France c’est l’Etat qui est laïc, les citoyen.ne.s n’ont pas de devoir de laïcité si ce n’est celui de contrôler le respect de la laïcité par l’Etat. L’article 1 de la loi de 1905 stipule que « la République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes ». C’est la sphère publique, à savoir élu.e.s et personnes dépositaires de l’autorité publique, agent.e.s publics, bâtiments publics, domaine public, services publics, collectivités qui est tenue de respecter une neutralité stricte et respectueuse. Les principes et les devoirs de laïcité ne peuvent donc s'appliquer aux associations.


Qu’est-ce que signifie pour une association de s’engager sur la laïcité ? Si cela consiste à un contrôle accru pour s’assurer que la collectivité respecte la laïcité : nous ne pouvons que y souscrire. Si cela signifie que les associations devraient faire preuve de neutralité : nous ne pouvons que dénoncer cette instrumentalisation du principe de liberté de conscience et d’expression.


Dans la charte proposée par la municipalité qui n’est qu’un copier-coller de la charte de Mme la Ministre Marlène Schiappa, plusieurs contre-sens nous semble mettre en danger la laïcité et les principes républicains.


  • Non, la laïcité ne contribue pas à l’égalité entre les femmes et les hommes, comme l’annonce l’article 1 de la charte. L’égalité entre les femmes et les hommes, égalité qui n’est toujours pas acquise, a été possible grâce à des lois bien plus tardives que la loi de 1905. S’il ne fallait citer qu’un seul exemple c’est le droit de vote des femmes obtenu seulement en 1945.

  • Non, la laïcité n’est pas le socle de la citoyenneté, comme cela est dit dans l’article 2. Le socle de la citoyenneté c’est la démocratie. Les valeurs partagées de la République sont Liberté, Egalité et Fraternité.  

  • Non, les restrictions au port de signes ou tenues manifestant une appartenance religieuse ne sont pas possibles dans une association, comme le sous-entend l’article 7 de la charte.


C’est tordre l’Histoire que d’énoncer ces contre-vérités. Cela pourrait être juste amusant si cela ne relevait pas d’un suivisme de l’ambiance actuelle initiée par l’extrême droite, la droite et la majorité parlementaire à l’approche des élections présidentielles. Outre le fait que nous déplorons l’utilisation narcissique de l’assassinat d’un enseignant en exergue de la charte, plusieurs points de cette charte relèvent d’un gloubi-boulga idéologique qui rend incompréhensible la notion même de laïcité. Nous sommes convaincus qu’au delà de l’anecdote locale, ce projet de charte est dangereux parce qu'il sème la confusion.


La laïcité n’est pas une opinion, c’est la liberté d’en avoir une. La laïcité est un garde-fou pour préserver la liberté de conscience et d’expression des citoyen.ne.s face à l’Etat et à ses interventions. Les associations relèvent du droit privé, elles sont donc libres de conscience et d’expression.



Par Nous-Mêmes propose de remplacer cette charte par une charte des engagements réciproques entre la ville et les associations subventionnées. Cette charte vise  mettre par écrit les droits et devoirs respectifs des associations et de la municipalité, en reprenant les principes de la loi de 1901 et en la complétant avec les différentes lois sur la non-discrimination ou encore avec des propositions du mouvement associatif, comme le pacte pour la transition, signé par l'ensemble des composantes de la municipalité. Cette proposition est largement inspirée du contrat d'engagements réciproques entre l'État, le mouvement associatif et les collectivités territoriales de 2014.


La promotion de la laïcité est essentielle pour que celle-ci soit comprise et appliqué par nos services publiques. Si la municipalité souhaite promouvoir la Laïcité, elle peut commencer par  faire des formations auprès des élu.e.s et des agent.e.s de la ville. 


Si la municipalité souhaite impliquer les associations dans cette promotion de la laïcité, elle peut mettre en place un comité locale pour la vie associative permettant au milieu associatif alfortvillais d’être un réelle contre-pouvoir et d’assurer un contrôle des pratiques municipales. La municipalité peut également mettre en place des formations pour les associations sur la laïcité, mais également sur les valeurs républicaines, pour la lutte contre les discriminations ou encore pour la citoyenneté.


Si la municipalité souhaite que chaque citoyen.ne soit partie prenante de la laïcité, elle peut faire des formations grand public, donner des cadres de débats et permettre à chaque citoyen.ne qui verraient ces droits non respecter en raison de ses croyances ou de ses convictions de faire appel à des médiateurs.rices ou aux délégué.e.s de la Défenseure des Droits.


La laïcité n’est pas un gros mot ! C’est ce qui impose l’égalité des citoyen.ne.s face à l'administration et au service public, quelles que soient leurs convictions ou croyances. Nous devons toutes et tous défendre la laïcité et combattre toutes instrumentalisations ou dévotions qui pourraient mettre en péril son objectif premier : la liberté de conscience et d’expression et la séparation des églises et de l’État.


Une vidéo pour avoir une vision claire de la laïcité, présentée par Coexister, le mouvement interconvictionnel des jeunes :